Si vous avez déjà lu mon article sur le processus de feutrage, vous savez désormais que pour pouvoir feutrer des fibres il suffit d’avoir une matière qui présente des écailles à sa surface qui pourront s’entremêler.
Nous avons parlé jusqu’ici de laine de mouton, mais il est évident que toutes les fibres kératiniques peuvent être feutrées. Au delà des ovins, de nombreuses espèces ont été dotées par la nature de toisons lainées. C’est parti pour un petit tour du monde des laines exotiques !
En fin d’article vous découvrirez également toutes les autrs fibres naturelles et synthétiques qui peuvent intervenir dans le feutrage
Toutes les laines de camélidés peuvent être feutrées du chameau au lama en passant par la vigogne
Chameaux en Asie, lamas, alpagas, guanacos et vigognes en Amérique du Sud fournissent de la laine de très belle qualité et dont la réputation n’est plus à faire. Plus ou moins fine selon la race de l’animal, les laines de ces animaux sont cependant difficiles à trouver non filées. Là encore il va falloir attendre mon article sur les fournisseurs !
La plus prisée est la laine de la vigogne ce tout petit camélidé sauvage à la laine tellement fine que seule la soie la surpasse en douceur. Chaque animal donne par peignage une toute petite quantité de fibres au printemps … on comprend mieux son prix et pourquoi à l’époque des Incas ce tissu était réservé au seul Empereur. L’alpaga est très doux, particulièrement reconnu pour sa chaleur et hypoallergénique. La laine d’alpaga est beaucoup plus légère que la laine de mouton car les fibres sont plus fines. La laine de lama, plus grossière est moins courante dans nos contrées mais peut être intéressante pour les effets qu’elle permet d’obtenir. Attention souvent la laine de lama est vendue sous le terme d’alpaga… vérifiez !
Quand je vivais en Russie on trouvait souvent sur les marchés des vêtements tricotés en poils de chameaux…D’une couleur beige camel (la bien nommée) tout à fait caractéristique. Ils sont d’une chaleur et d’une douceur incomparable. On en trouve en nappe à feutrer chez certains fournisseurs.
N’oublions pas le fameux cashemire
On trouve dans la région de la Mongolie plusieurs variétés de chèvres dont la toison est très prisée également pour sa finesse. Vous connaissez tous le célèbre et dispendieux cachemire. Comme pour les camélidés d’Amérique du Sud, les températures extrêmes qu’affrontent ces animaux ont conduit l’évolution à les doter d’un duvet très fin qui est un excellent isolant thermique. Les poils de ces chèvres étant très fins, il sont souvent filés en plusieurs épaisseurs ce qui explique pouquoi certains cachemire de prix sont vendus avec l’indication, 2 ou 4 fils…
Ces poils sont récupérés par peignage et non par tonte. Attention toutefois, la demande occidentale pour cette fibre mise à la mode par Coco Chanel a explosé ces dernières années. Si vous songez à acheter un cachemire, méfiez-vous des pulls très doux à l’achat. La douceur est liée au fait que les fibres sont très courtes ce qui signifie que l’on a sélectionné une toison de second choix… Votre pull over sera peu durable.. 10 fois plus légère que la laine de mouton, la laine de ces chèvres a tendance à boulocher à la longue…Ce sont des pulls qu’il faut laver très régulièrement pour permettre au fibres en surplus de s’évacuer.
Et le pashmina me direz-vous ? Qu’est-ce que c’est ? Le pashmina fait référence à une étole et non à une matière. Réalisée souvent à partir d’un mélange de fibres cachemire et soie ou cachemire et viscose pour rendre le tissu doux et fin… Désolée pas j’aurais bien aimé vous dire qu’il s’agissait d’une espèce d’animal tout doux et très rare mais ce n’est pas le cas !
Deux autres races de chèvres sont à connaître cependant si vous vous intéressez aux fibres lainées. D’abord la chèvre angora, qui donne la laine connue sous le nom de mohair… On a tous le souvenir d’un pull en mohair qui nous faisait trouver la journée un peu longue ! Cette laine convient peu aux personnes à la peau sensible.
Evidemment l’homme n’a pas pu s’empêcher de jouer aux apprentis sorciers. En Nouvelle- Zélande, l’élevage de chèvre issues de croisement de chèvres cachemire et de chèvres angora se développe sour le nom de chèvres Cashgora…
D’autres fibres animales donnent des laines rares et originales
Citons pour commencer le lapin angora qui donne la laine angora. Attention toutefois les échos sur les conditions d’élevage de ces animaux sont souvent très négatifs. Là encore des options ecoresponsables existent prenez le temps de vous renseigner sur l’origine de votre matière première. Le prix est souvent un indicateur de qualité étant donné que vous imaginez que seulement quelques grammes de laine peuvent être récupérés sur chaque animal.
On peut également utiliser de la laine de yack, une laine que je n’ai pas encore eu la chance non plus d’essayer … Je vous ferai un retour sur cette matière lorsque l’occasion se présentera !
Je vous déconseille la très prestigieuse antilope tibétaine ou antilope Shahtoosh car il faut tuer cet animal sauvage pour pouvoir prélever sa toison… A moins que l’on se contente des poils laissés par l’animal sur les buissons auquel cas les prix sont astronomiques.
Enfin, il fut un temps où l’on récoltait aussi en Angleterre la laine d’une certaine race de chiens… mais vous trouverez aussi des feutres réalisés avec des poils de chats, de castor ou des cheveux humains… chacun ses goûts !
La soie peut-elle intervenir dans le feutrage ?
La réponse est toute simple : oui. Je vous recommande de la mêler à de la laine avec un peigne à carder avant de commencer votre travail. Vous pouvez choisir de la soie courante, mais sachez qu’il existe désormais une sorte de soie appelée eri qui est exploitée sans ébouillanter et donc sans tuer les chenilles…
La soie naturelle apporte finesse et brillance à votre travail. Mais elle a un prix. Aussi, de nombreux artisans ou artistes mêlent de la viscose à leurs ouvrages. La viscose est une fibre produite industriellement à partir de cellulose c’est à dire de bois pour imiter la soie à l’origine… C’est toutefois une fibre qui cause des dégâts environnementaux importants. Renseignez-vous pour éclairer vos choix de matière première.
Quelles autres fibres végétales ou synthétiques peut-on également feutrer ?
Comme vous l’avez peut-être lu dans mon article sur le feutre et la feutrine, vous savez qu’il est possible d’obtenir des tissus feutrés 100% synthétiques. On vous proposera donc dans les magasins de fourniture pour le feutrage des fibres artificielles mais réalisées à partir de matière première comme le Lyocell issu du bambou et le nylon qui lui est 100% plastique.
Pour le feutrage, un seul mot d’ordre concernant votre choix de matières : expérimentez !
Le conseil que je vous donne pour commencer est de faire au plus simple et au plus économique.
Pour vous faire la main et vous familiariser avec les gestes et les techniques je vous recommande de commencer le feutrage avec de la laine mérinos courante.
Très vite cependant vous verrez que vous aurez envie d’expérimenter par vous même. Le feutre étant une matière très englobante il est tentant de mixer vos fibres avec toutes sortes de matériaux voir même d’y inclure des tissus, des paillettes ou de petits objets, mais ceci sera l’objet d’un autre article !